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Les exclus

Quand la société est prise de folie,

Quand l'argent devient roi, et méprise la vie,

Quand ceux qui ont été investis du pouvoir

Oublient qu'il vient du peuple, et suppriment l'espoir,

Quand les technocraties d'un monde en extension

Fabriquent des systèmes qui mènent à l'exclusion...

 

Alors, on voit surgir sur un vieux fond de crise

Tout un peuple meurtri, dont l'espoir s'amenuise,

Tout un monde oublié, qui soudain sort de l’ombre.

Comme des rats quittant le navire qui sombre,

Ils errent dans la nuit, hagards, muets, fébriles,

L’œil brillant, l’air obscur, presque hostiles.

Fatigués d’implorer en vain un droit de vivre,

Ils cherchent dans la rue les moyens de survivre.

 

Nous sommes ces exclus, échoués sur la rive,

D’une société, qui va à la dérive.

Victimes impuissantes d'un monde en transition,

Pièces mal ajustées de son évolution,

Interdits de séjour sur les nouveaux rivages

D’une prospérité aux multiples visages.

Rejetés que nous sommes par une dynamique

Qui réduit l’être humain à une mécanique.

Comme une usine à gaz, en mal de renouveau,

Qui jette à la ferraille ses bons... mais vieux fourneaux.

 

Nous sommes inexistants, nous sommes translucide

Pour vos regards absents, qui ne voient que le vide,

Là où nous voulons tant, à tout prix, exister,

Là où nous essayons, tous les jours, d’oublier.

 

A qui le tour, demain? Le plombier ? Le maçon ?

L’ouvrier qualifié ou le vieux compagnon ?

Vous ? Oui ! Peut-être bien, Monsieur l'Ingénieur.

Et vous, pas à l'abri, Monsieur le Directeur.

Croyez-vous un instant qu'ils ne vont pas oser ?

Avec vos beaux diplômes ! Bureaux climatisés !

Limousine, chauffeur, vos entrées chez Maxim’s!

Mais! un client douteux? Et vous voilà victime !

Une marge trop faible ? Un contrat qui va mal ?

Et hop ! C'est terminé. Engrenage infernal.

 

On ne vous connaît plus, on change de trottoir,

On détourne les yeux, on ne veut plus vous voir.

Sans travail, sans abri, sans argent, sans famille,

Sans espoir, sans ami, sans âme... en guenilles,

Vous vous retrouverez, comme nous, sous un pont,

Dans un manteau crasseux, qui ne sent plus très bon.

 

Puis un jour… fatigué de porter tout seul votre débâcle,

Vous viendrez nous rejoindre à la Cour des Miracles.

Restos du cœur, dortoirs, et Armée du Salut,

Les douches collectives, la manche dans la rue,

 

Nous vous expliquerons l'univers insolite,

Qui nous est familier. Cette zone interdite

Où, par appât du gain, ou quelque adversité,

Un jour, nous enfermait... votre société.

 

 

 

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