
Le Noël du mendiant de Manosque
C’est Noël à Manosque. La Cité est en fête.
Les rues ont revêtues leurs habits d’apparat.
C’est le Rouge et le Noir, l’Or et le Baccarat.
La nuit sera parée de strass et de paillettes.
Porte du Soubeyran, un aveugle est assis,
Avec son chapeau noir, tenant une sibylle.
Sur sa mince poitrine, quelques mots sont écrits,
Charité, s'il vous plait, aveugle, pour la vie.
Il se fait tard déjà, et depuis le matin,
Personne n'a voulu répondre à sa demande…
Il est très fatigué, il a froid, il a faim,
Et son petit chien blanc secoue sa houppelande.
Alors, n'y tenant plus, il se lève soudain.
Accrochant par le bras le passant le plus proche :
Je vous en prie! Pitié! Pour moi, et pour mon chien…
Nous n'avons rien mangé, et la nuit se rapproche.
Le jeune homme s’arrête, et sous sa barbe blonde,
Un sourire contrit illumine ses traits :
Mon pauvre ami, dit-il, je suis du même monde,
Je ne suis qu'un poète, mais, je vais essayer.
Retournant le carton pendu sur sa poitrine,
Il écrit quelques mots, assez fébrilement,
Et tandis que le soir à l'horizon décline,
Il conseille au mendiant d’être un peu plus patient.
Aussitôt, le vieil homme entend son écuelle
Se remplir, déborder. Oh! miracle insensé!!
Les gens sont généreux ! Ils viennent enfin l'aider !
Quel beau festin ce soir! Que la nuit sera belle !
Tout heureux cette fois, et le sourire aux lèvres
Il arrête une mère, promenant son enfant.
Un poète est passé, dit-il, le cœur en fièvre…
Que m'a-t-il donc écrit ? Lisez-moi… Lentement.
L'enfant aux cheveux blonds ramasse alors sa balle,
Et, levant ses grands yeux au vieillard en émoi,
D'une voie cristalline, détachant les syllabes :
“Noël est là! dit-il, et je ne le vois pas!“