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La rose

Hier,

Dans mon jardin d’hiver,

Je crains d’avoir ôté la vie

À une rose cramoisie.

Non pas que j’abhorrais à ce point sa beauté,

Ni les reflets mouvants de sa robe pourprée !

Non!..

 Mais elle m’avait, sans le vouloir, je crois,

De ses longues épines, lacéré l’avant-bras.

Et je m’étais vengé !

Il faut si peu de chose !

Un geste un peu trop vif, une brusque colère

Pour qu’aussitôt, hélas, tous nos bons sentiments,

Et tous les mots d’amour qu’on a pu dire avant,

Se transforment en chimères. 

Elle était devant moi, déracinée, meurtrie,

Etalant autour d’elle ses pétales blessés.

Je restais interdit, ébahi, médusé,

D’avoir pu, pour si peu, attenter à sa vie.

La fleur agonisait.

À demi écrasée

Sa corolle exhalait des senteurs délicates,

Et sur les plis froissés de sa robe écarlate

Je pouvais voir couler.. des larmes de rosée.

Nul ne peut, sans remords, voir mourir la beauté !

Et je tendis vers elle une main secourable.

Elle y planta, deux fois, ses griffes redoutables.

Je ne m’expliquais point sa soudaine fureur,

Mais je ne pouvais plus lui en tenir rigueur.

Je la plaçais, rose incarnat,

Parmi les roses baccarats.

….

Ce matin, 

J’irai voir au jardin,

Si la rose meurtrie, qui me fût si cruelle,

 A repris quelque vie.

Ma belle Intemporelle,

Ma rose cramoisie.

 

Photo Ian Baldwin - UNSPLASH

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